Dans l’ère du temps
Aller à Cherbourg, c’est comme visiter les étendues fertiles et odorantes des hauteurs boliviennes, où l’air se raréfie, et la terre se fait plate. Où nombre de géants sont tombés, dans un autre sport plus célèbre que le nôtre, terrassé par le droit inaliénable du sol et des astres. Cherbourg, la Bolivie française, nous attendait donc, sans ses massifs, mais à la pointe ultime de la présence humaine. De fait, en arrivant en contrée nordiste, nous ne vîmes âmes vivantes, hors des nôtres, aux ombres tremblotantes, sous le froid et la pluie de Novembre le Gris.
En Garde, Guingamp, ce sera toi ou nous ! Ta jeunesse et ta fougue ne nous inquiète pas ! Tiens, prends donc cette feuille qui mélange nos noms, et met un deux au quatre ! Contemple ta misère, et désespère ! C’est l’heure du châtiment !
Comment ? Oses-tu, en plus, Guingamp de malheur, te priver de tes armes ? Où sont-ils, tes maîtres, nobles et plébéiens, que l’on nous a promis ! Où ? Où !
Peio s’endort un peu, et l’on ne peut l’accuser. Petre pétrit un pain pain trop cuit dans une Italienne fermée, sans saveur. Une demi-attaque, que notre homme interdit, d’un g5 insolent.
Ronan, quart devenu second, décoche une flèche de carquois commun qui fera notre gloire. Raoul, la tour blanche, est bloqué par Robert, fou des mêmes cases, obstrué par Rantanplan, devenu un cheval, lui-même garant d’Iphigénie, l’innocent pion e5. Comme son nom l’indique, la prêtresse perd sa tête, et l’on aime grandement les oeuvres de Ronan.
Qu’en est-il, maintenant, de l’ami président ? Il invente, il crée, il recycle, et il mange. Son étrange créature, comme une fable d’Arthur, fend et perce, crie et tue. Alexandre Bouget, faute de destrier, chute et doit s’incliner. Oui, la rime est trichée. (1-0)
Et pour qui annoncer ! L’homme providentiel, le buteur, chevalier ! Qui méprise l’adversaire, fait un tour, est piégé ! Il gagnait facilement, mais le voilà perdant, le quarante rugissant, commis, il est levé, le couperet, sur sa tête, probablement passé.
Boris, lui, a le temps, le prend, en fait une perspective, un contour, une sculpture. Mais à Cherbourg le grès est un luxe, et la statue coule et murmure « la fin est proche, presse et dure ! ».
Las ! Rémi et Claire imitent cette gestion limite qui se joue des bordures ! Et de deux positions je dois faire l’oraison alors qu’elles étaient pures ! Nous voilà pour le moins contraint de mettre un frein aux rimes et quatrains, de Ronan vient un point. Mais chut ! Voilà Justin. (2-2).
Justin, qui a pressé, Justin, guerrier, en finale, doit attendre le sort des équipiers. Peut-il donc triompher ? S’il faut un héros, il est tout désigné.
Mais miracle, miracle, le bouffon devient roi, sur la première rangée ! Un échec insatiable renverse d’un coup la table, et Guingamp est mené ! Je ne m’auto-congratule que pour ce vain pécule, car le gain est péché. (3-2).
Ils étaient trois grognards sur la ligne de départ à cette nouvelle donnée. Peio souffre mais tient, par le daltonisme des fous de chaque camp. Boris, à l’agonie, pourra, s’il survit, nous faire défaire Guingamp. Mais il reste Justin, et Justin est important.
Il observe la scène, calcule une chance certaine de trancher le coulant. Mort à la certitude ! Aux espoirs cruels des échecs, à nos rêves ! Oui, la finale de pions est gagnante, peut-être. Mais une promotion, la décapitation de ce maigre avantage force alors l’abandon. Le match nous ne gagnerons ! (3-3).
Et l’horreur se poursuit, du calice, de la lie, c’est tout un marécage que nous draînons ensemble. Boris reprend des couleurs, pour tout notre bonheur, mais Peio, privé d’air par les Andes à l’envers, et la technique adverse, n’a lui, pas de murmure et cède son armure ! (4-3).
Alors, chenapan, Bourgois, en trois temps, répète. Gain pour Guingamp. Le bagne semble promis aux compagnons d’envie, généraux dégradés en simples lieutenants. Homicide par Guingamp. (4-3).