Il y a les ogres du Top12 qui en font parfois un objectif, les petits poucets venus défier Goliath pour le plaisir et ceux qui envoient l’équipe F au casse-pipe parce que vous comprenez «l’important c’est le championnat». Et puis il y a l’Echiquier de L’Erdre, défaits en 1/8ème de finale l’an dernier 2-1 par les futurs vainqueurs. Les sucéens ont cette douce particularité de connaître à l’avance leur funeste destin dans cette compétition, tout en n’y croyant pas avant l’élimination, la dernière poignée de main, l’ultime signature, faisant alors foi de leur défaite.

Une fois encore, Peio, Ronan et Mickaël étaient les seuls rescapés de l’équipe première venus mouiller le maillot vert. Accompagnés de Bruno cette fois, pensionnaire de Nationale 4, qui avait accepté le défi dominical. La composition adverse est sans surprise, solide et abordable à la fois, les oppositions étant celles-ci :

Sautron Echiquier de l’Erdre
Navrotescu Andreea-Cristiana 2253 Duboué Peio 2372
Dubois Pierre 2152 Hutois Mickaël 2253
David Bogdan-Emanuel 2013 Le Goff Ronan 2292
Ladrat Matthieu 2172 Colas Bruno 1569

Le match est lancé. Devant, Peio qui a principalement pour but de ne pas perdre avec les noirs sous peine d’élimination a opté pour un système solide de son cru. Navrotescu s’y casse d’abord les dents et ne trouve pas un soupçon d’avantage après 15 coups. Seule l’ouverture de la colonne C est source de vie et c’est d’abord notre joueur qui y installe son campement, lui offrant même un maigre avantage.

A bâbord, Mickaël s’est laissé convaincre par le chant d’une sirène lors du convoyage. Assise côté passager, celle-ci lui a subrepticement soufflé l’idée d’un monde merveilleux dans lequel il pourrait se plonger sur e4-e5. Mais encore faut-il y être préparé. Balayant tout d’abord l’idée en voiture, notre président relève le mystérieux défi sur l’échiquier. Son adversaire pourtant mal préparé, trouve les meilleurs coups. Notre coéquipier lui, ayant aveuglément confiance en son Ariel, glisse vers les tréfonds.

Ronan ne déroge pas à ses choix d’ouverture sans risque, lui assurant très vite un petit avantage sur l’Est-Indienne proposée par son jeune opposant. La position se déséquilibre pourtant rapidement, des majorités à 5 contre 3 (les pions étant doublés partout) faisant jour à l’aile roi pour notre sbire, à l’aile dame chez les noirs.

En queue de peloton, Bruno a déjà apporté plus qu’il n’en faut, empêchant le -1 de mise lorsque l’équipe ne présente que 3 joueurs. Alors que peut-on lui demander avec les noirs face à un joueur ayant 600 élos de plus? A titre comparatif, les écarts sont similaires à une partie Carlsen-Hutois. Sans surprise le scénario de la partie tourne assez vite au cauchemar, notre joueur perdant une pièce dans une sicilienne ouverte. Gageons que Bruno en tirera malgré tout une bonne expérience, tout comme nous apprécions sa bonne humeur et son sens du dévouement pour ce genre de rencontre. Nous saurons nous en souvenir, lorsque nous brandirons le trophée en Juin prochain.

Mais avant de rêver plus grand, il fallait remporter un match pas si bien embarqué, et que seules les victoires combinées de Peio et Ronan pouvaient vraisemblablement sauver. Mickaël, est en effet rentré dans une ligne réfutée, en se goinfrant d’une pièce en prise, il semble ne pas pouvoir échapper à un mat qui tend les bras à son adversaire. Mais j’ai suffisamment narré les périples de notre ami, pour que vous ne doutiez d’un retournement de situation. En effet, l’achever n’est pas tâche aisée. Une heure plus tard, le roi blanc, leader du Tour depuis la première étape en C1, a conservé son maillot jaune jusqu’en H3 et tout se jouera sur le contre-la-montre final. Et à la pendule, le sautronnais craque et va finalement donner la partie en un coup alors que les trois pions pour la tour et le roi en vadrouille étaient des compensations suffisantes pour égaliser. 1-1.

Dans le même temps, Ronan conclut assez calmement son emprise sur la partie, le pion f6 incrusté dans le roque adverse s’avérant bien plus coriace que ses homologues en majorité à l’aile dame, la partie s’achevant même sur une combinaison menant au mat du couloir.

Enfin, Peio, avait plus tôt dans le match déverrouillé une partie lente et sans grande saveur. Un sacrifice de mauvais fou pour deux pions et un roque dévasté, faisait ressurgir les anges d’un passé agressif et tactique qu’il avait connu autrefois. Ses quatre pièces restantes magnifiquement coordonnées comparées aux cinq adverses firent de nombreux dégâts collatéraux. L’objectif premier de mater, s’est ainsi reporté sur les fantassins blancs à l’agonie. Il n’est plus alors question de faire nulle, même pour assurer la victoire. A la fin de la cueillette, c’est cinq pions de plus pour les noirs qui viennent compenser le fou blanc. Une fois veaux, vaches, cochons disparus, faisant place nette aux 6 pions contre Fou et pion en finale, Navrotescu mit fin à sa souffrance 1-3.

Les sucéens se qualifient donc sans trop de frayeurs pour les 1/32èmes de finale de la Coupe de France le 16 Janvier. Avec en tête un objectif clair: gagner tant qu’ils le peuvent, pour faire au moins aussi bien que l’an passé.